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En haut de la pile

L’animalisation, une violence touchant les bêtes comme les hommes

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Dans son dernier ouvrage, l’écrivaine et sociologue Kaoutar Harchi caractérise les liens entre race, classe, genre et animalité et met à jour le «zoosocial» à l’origine depuis l’ère moderne des violences faites aux animaux et aux êtres humains.
Au début du XXe siècle, des membres de la tribu les Gallas, originaires de l'Ethiopie et du Kenya, sont «exposés» au regard des Parisiens dans le Jardin d'acclimatation. (Gusman/Leemage. AFP)
par Wassila Belhacine
publié le 24 septembre 2024 à 6h34

En 1957, en pleine bataille d’Alger, les combattants algériens tombés entre les mains du général Marcel Bigeard ont vu leurs pieds attachés, leurs corps coulés dans des blocs de ciment et ils ont finis jetés dans la Méditerranée par l’armée française. Pour parler de ces crimes, une expression circulait alors : «Les oueds et la mer rendaient à Alger des cadavres lestés, des crevettes Bigeard.» «Crevette», après «rat» ou «crouille», était alors devenu un autre qualificatif pour désigner les Algériens, raconte la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi, soulignant combien la déshumanisation allait de pair avec la violence.

Vermine, raton, vipère, gazelle… autant de termes empruntés au règne animal qui ont été utilisés dans l’histoire pour désigner et diminuer l’autre, qu’il soit juif, noir ou arabe. Ce procédé de réduction, aussi vicieux que banal, permettait aux dominants de légitimer l’asservissement et l’humiliation des dominés. D’où vient cette désignation d’un être humain par des noms d’animaux ? Et pourquoi certains se sont-ils sentis autorisés à qualifier ainsi leurs semblables ?

Dans Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi jette une lumière crue sur les liens troublants entre la subordination des animaux et l’asservissement des groupes dominés.

Les animaux et nous, nous et les animaux

En explorant l’histoire de la pensée occidentale de l’ère moderne à nos jours, l’essayiste part d’un constat : la sacro-sainte différence cartésienne entre la nature et la culture, martelée comme l’une des bases de la ph