En 1957, en pleine bataille d’Alger, les combattants algériens tombés entre les mains du général Marcel Bigeard ont vu leurs pieds attachés, leurs corps coulés dans des blocs de ciment et ils ont finis jetés dans la Méditerranée par l’armée française. Pour parler de ces crimes, une expression circulait alors : «Les oueds et la mer rendaient à Alger des cadavres lestés, des crevettes Bigeard.» «Crevette», après «rat» ou «crouille», était alors devenu un autre qualificatif pour désigner les Algériens, raconte la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi, soulignant combien la déshumanisation allait de pair avec la violence.
Vermine, raton, vipère, gazelle… autant de termes empruntés au règne animal qui ont été utilisés dans l’histoire pour désigner et diminuer l’autre, qu’il soit juif, noir ou arabe. Ce procédé de réduction, aussi vicieux que banal, permettait aux dominants de légitimer l’asservissement et l’humiliation des dominés. D’où vient cette désignation d’un être humain par des noms d’animaux ? Et pourquoi certains se sont-ils sentis autorisés à qualifier ainsi leurs semblables ?
Dans Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi jette une lumière crue sur les liens troublants entre la subordination des animaux et l’asservissement des groupes dominés.
Les animaux et nous, nous et les animaux
En explorant l’histoire de la pensée occidentale de l’ère moderne à nos jours, l’essayiste part d’un constat : la sacro-sainte différence cartésienne entre la nature et la culture, martelée comme l’une des bases de la ph