Après plus d’un an de pandémie, les Français ont le moral dans les chaussettes. Les études sont unanimes : si l’on s’est occupé de soigner les malades du coronavirus, certains ont vécu un choc bien moins visible et qui inquiète sérieusement les spécialistes. Au point qu’Emmanuel Macron a annoncé l’organisation d’«assises de la psychiatrie et de la santé mentale» cet été. Isolement, anxiété, dépression, troubles du sommeil… l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte sur les dégâts à long terme de la crise sanitaire et des restrictions liées au Covid-19. Car même en bonne santé, même quand tout va bien, a priori, sur le papier, les experts constatent une épidémie du sujet «épuisé». On appelle ça la «fatigue pandémique».
Bien avant que la souffrance collective ne fasse l’objet d’une attention accrue des pouvoirs publics, le chercheur Romain Huët s’est longuement plongé dans le monde de la grosse déprime. En l’occurrence, celui des personnes exprimant un désaveu pour la vie. Entre 2008 et 2015, ce maître de conférences en sciences de la communication à l’université de Rennes-II s’est glissé dans la peau d’un écoutant bénévole d’une association de prévention contre le suicide. De son observation participante, il a tiré l’enquête ethnographique De si violentes fatigues. Les devenirs politiques de l’épuisement quotidien (PUF, 2021). Aussi auteur du Vertige de l’émeute. De la ZAD aux gilets jaunes (PUF, 2019), Romain Huët s’est fait une spécialité de l’«