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Libération
Disparition

Toni Negri, fin de luttes

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Le philosophe et maître à penser de l’extrême gauche italienne est mort à Paris dans la nuit du 15 au 16 décembre. Il avait 90 ans.
Toni Negri en 1983. (La Verde.AGF/Opale)
par Eric Jozsef, correspondant à Rome
publié le 16 décembre 2023 à 12h27
(mis à jour le 16 décembre 2023 à 20h08)

Le rendez-vous avait été fixé, il y a une vingtaine d’années, dans son appartement romain de Trastevere en vue d’un portrait de dernière page. Condamné au milieu des années 80 à douze ans de prison principalement pour «association subversive», Toni Negri était alors en semi-liberté, rentré volontairement en Italie en 1997 pour y purger sa peine après avoir passé quatorze ans en France, protégé par la doctrine Mitterrand. Le philosophe, qui fut l’un des principaux maîtres à penser de l’extrême gauche transalpine à partir des années 60, avait accepté le principe de l’entretien avant de refuser poliment mais fermement toute question sur son parcours individuel et familial, ses réflexions et ses sentiments sur un demi-siècle d’engagement aux confins de la doctrine politique et de l’action révolutionnaire.

«Cela n’a aucune importance ce que ressent Toni Negri, l’important, c’est la dynamique de la lutte collective», répétait-il sans céder la moindre once de confession personnelle. Chez lui, tout était ainsi matière à concepts, analyse du capitalisme et réflexions sur le communisme, considérations sur l’Etat et évocation de la lutte des opprimés. Même le football dont il était passionné n’échappait pas à une lecture en termes de lutte des classes. Le projet du portrait fut finalement aba