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Chronique

Le pouvoir des petits par Paul B. Preciado

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Chronique «Interzone»dossier
Ce sont les petits, les «tipeux» pas les grands, qui ont enflammé la rue dans la nuit du 27 juin. Un acte collectif de résistance à la violence patriarcale, raciale et sexuelle qui s’exerce sur les mineur·es racisé·es.
A la cité du Mirail, à Toulouse, le 29 juin. (Art Core Ben/Hans Lucas)
publié le 8 juillet 2023 à 9h32

La veillée commença dans la nuit du 27 juin 2023, après qu’un policier a explosé un enfant racisé en lui tirant une balle dans le cœur à bout portant. Les enfants de toute la nation organisèrent une cérémonie funèbre et remplissent le ciel de feux d’artifice. Un vrai deuil est déjà une révolution. Veiller est ne pas dormir, prendre garde, faire la fête. La veillée politique pour Nahel a pris la forme de tous les feux, expression ultime du régime de production pétro-sexo-racial et début d’une nouvelle gouvernementalité. Feu réel ou pyrotechnique : combustion, dépense d’énergie, émission de chaleur, explosion lumineuse et sonore. Une refugiée ukrainienne raconte : «Je ne savais rien de la mort de ce jeune, je pensais que c’était la Fête nationale.» Et c’était le cas. L’enfance de la Bastille racisée. Ce sont les petits, pas les grands, qui ont enflammé la street. Les adultes macronistes se découvrent alors pour la première fois une peur des enfants. Le gouvernent mobilise 45 000 policiers pour éteindre le souffle d’une foule des petits armés uniquement de fusées.

La veillée pour Nahel était poétique. La poésie n’a pas besoin d’être en vers, elle peut être sous forme de feux d’artifice, de cris, de mouvement collectif. La poésie consiste à inventer un sens. C’est une sorte d’expérience scientifique de la pratique politique :