Ecrire un roman, c’est peut-être avant tout créer un état d’alerte qui permettra, le moment venu, de faire entrer à l’intérieur du livre tout ce qui voudra bien y trouver une place. (Enfin, pas tout non plus, sinon c’est le bordel.) Il faudrait idéalement arriver à un état de porosité maximale, être attentif, offert et disponible à ce qui pourrait surgir, tout en restant sur ses gardes pour maintenir à l’écart certaines tentations ou distractions quotidiennes, ces obsessions qui nous semblent profondes mais se révéleront passagères. Cette tension qui maintient le corps en éveil est une autre manière, plus vive, d’être là. Sans cela, mon cerveau dépérit, il fait autre chose, il regarde par la fenêtre, il s’ennuie, il divague.
J’étais assis dans le petit bureau, devant cette même fenêtre. Tout à coup les plantes et moi nous sommes levées (elles sont majoritaires) dans un même élan vers le soleil qui jaillissait en face, et j’ai pensé, peut-être qu’on écrit des livres, peut-être qu’on danse ou qu’on dessine des maisons pour cet état d’éternel printemps. La même mécanique est à l’œuvre (d’où cette joie lorsque les deux phénomènes enfin coïncident, comme deux astres) : le corps comme le ciel s’ouvre et renaît, les gestes sont vifs, l’énergie pleine, les choses s’offrent brutalement à vous, on sautille, on avance, on est dedans.
La curiosité s’aiguise, comme les plantes on se penche vers la lumière. On veut savoir, on cherche. On butine et on constitue une bibliothèque comme une con