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TRIBUNE

Lettre à mes amis et à mes compatriotes français juifs et légitimement inquiets, par Mahir Guven

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Serge Klarsfeld a déclaré qu’en cas de duel au second tour il voterait pour le RN et non pour le Front populaire. Pour l’écrivain Mahir Guven, au contraire, le meilleur choix est de s’engager contre le parti le plus antisémite du spectre politique, c’est-à-dire le RN. Ensuite viendra le moment de la nécessaire clarification de l’antisémitisme à gauche.
Mobilisation contre le RN samedi 15 juin à Paris, entre République et Nation. (Denis Allard/Libération)
par Mahir Guven, écrivain, prix Goncourt du premier roman
publié le 16 juin 2024 à 17h57
(mis à jour le 19 juin 2024 à 10h48)

Si je vous écris, c’est que comme vous, il m’est arrivé au cours de ma vie et au gré des événements géopolitiques d’avoir le cœur serré entre deux réalités, plusieurs sensibilités et héritages. Pour ma part, il s’agissait du sort des Kurdes au Proche-Orient, en Irak, en Turquie et en Syrie. L’identité kurde est une part de mon héritage, celle de mon père. Il y a également celui de ma mère, l’identité turque. Et puis, il y a la mienne, mon être : Français, Nantais immigré à Paris, héritier de ma mère et de mon père. Comment concilier tous ces mondes ?

Chaque fois que le chaos a frappé les Kurdes, j’apercevais les appareils politiques pousser vers un camp ou l’autre, instrumentaliser ces conflits à coups d’arguments démagogiques. Les uns étaient terroristes, les autres des fascistes. J’étais déchiré. Dans l’impossibilité de trancher. Construire un avis revenait à me séparer en deux, voire trois, et être tiraillé par de nombreuses questions. Comment parler en France du sort des Kurdes sans être soupçonné d’agir par sensibilité communautaire ? Comment ne pas me fâcher avec mes amis français d’origine turque, sensible à l’argument du gouvernement turc qu’une opération militaire en Syrie permettrait de protéger la Turquie du terrorisme ? Tant de questions, si peu de réponses. D’autant plus qu’en France, à plusieurs moments, la question kurde est devenue à la mode. On voyait dans les valeureuses montagnardes et guérilleros trapus de solides alliés face à Daech. Pendant des années, j