L’opération militaire inouïe et non-revendiquée qu’une puissance étrangère a menée hier au Liban et en Syrie coche toutes les cases d’un coup d’éclat des services de renseignement israéliens tels que le monde avait appris à les connaître avant l’échec fatal du 7 Octobre. Tout y est, la prouesse technologique, le secret des préparatifs, l’audace opérationnelle, l’indifférence aux conséquences politiques, la rapidité de réalisation et la réalisation inconcevable de tous les objectifs visés. Des centaines de bipeurs ont explosé au même moment dans tout le Liban mardi après-midi, dans une attaque coordonnée contre les membres du Hezbollah, la milice pro-iranienne qui multipliait ces dernières semaines les bombardements sur le nord d’Israël. Un premier bilan bien provisoire faisait état de neuf morts et plus de 2 800 blessés, dont 200 dans un état grave, poussant l’organisation chiite à admettre une «faille de sécurité gigantesque». Ce qui frappe l’imagination dans cette opération est la complexité du problème posé, et la simplicité de la solution trouvée. Le problème pour l’armée israélienne était de pouvoir mettre hors d’état de nuire des centaines de combattants anonymes d’une milice quasi-militaire, alors que Washington interdit à son allié de bombarder le Liban, Etat dont le Hezbollah maintient certaines zones sous sa tutelle.
Comment les reconnaître, comment les localiser, puis comment les éliminer ? Le problème semble insurmontable. La solution proposée, faire exploser simultanément les appareils de communication personnels que l’organisation a fournis à ses membres, réduit d’un seul coup considérablement le défi : il ne s’agit plus de frapper des centaines de combattants camouflés, mais de cibler un seul fournisseur. Se méfiant des smartphones que les services de renseignement israéliens pourraient trop aisément mettre sur écoute, le Hezbollah avait commandé des milliers de bipeurs, ces petits appareils désuets permettant de recevoir des messages par onde radio. Aisément identifiable – qui d’autre pourrait passer à l’Iran une commande pareille – c’est donc l’organisation elle-même qui a donné à ses troupes les mini-bombes qui allaient leur exploser dans la poche ou dans la main. L’attaque est signée électroniquement. Le Hezbollah ne s’y est pas trompé, menaçant mardi soir Israël de «représailles terribles».