«L’année 1962, il suffit d’être algérien et d’avoir plus de 70 ans pour en parler…» résume l’historienne Malika Rahal. Alors, comment expliquer que si peu de récits de cette année charnière racontent comment le peuple algérien – pas seulement les cadres dirigeants ou les Européens – l’a vécue ? La spécialiste de l’Algérie contemporaine, directrice de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP), s’est plongée dans les témoignages des familles de militants et de victimes, dans les photographies et les films d’époque pour mieux comprendre ce moment de bascule dans l’indépendance, qu’elle déploie dans Algérie, 1962 (La Découverte, 2022). Les accords d’Evian, signés le 18 mars, il y a tout juste soixante ans, marquent un bouleversement profond du pays.
Les déplacements de populations, massifs, transforment le visage de l’Algérie – environ 650 000 Européens quittent le pays, alors que 300 000 Algériens exilés en Tunisie ou au Maroc font le chemin inverse. La violence, celle de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) ou celle du Front de libération nationale (FLN) , ne s’arrête pas avec le cessez-le-feu, loin de là. Mais 1962 est aussi une année de fêtes et de retrouvailles pour les Algériens qui tournent enfin la page de la colonisation, une année où l’on construit de nouvelles institutions politiques et économiques – l’indépendance est proclamée le 5 juillet et la République algérienne en septembre. Où l’on construit, enfin un nouveau récit, une nouvelle citoyennet