Médecin de formation et théologienne de renom, Marie-Jo Thiel est l’une des pionnières dans l’étude des abus sexuels dans l’Eglise catholique. Ceux-ci sont la résultante de dysfonctionnements incrustés depuis des siècles. Pour résoudre cette crise majeure, la théologienne estime que des réformes s’imposent. Elle milite notamment pour l’abolition de l’obligation de célibat pour les prêtres catholiques. Elle vient de publier un livre, la Grâce et la Pesanteur, le célibat obligatoire des prêtres en question (éditions Desclée de Brouwer).
Comment voyez-vous l’affaire de l’abbé Pierre ? Comment le prédateur sexuel qu’il était a pu sévir ainsi pendant plus de cinquante ans ?
Dans les années 50, l’Eglise catholique a essayé de traiter l’affaire de l’abbé Pierre. Mais elle n’est pas allée jusqu’au bout, ce qui aurait signifié son renvoi de l’état clérical. Si elle ne l’a pas fait, c’est sans doute à cause de sa notoriété, qui pour elle comptait plus que la divulgation des violences sexuelles qu’il avait commises. Son appartenance au clergé, son implication dans la Résistance ou encore sa carrière politique après la guerre – des univers à chaque fois masculins, ont conforté ce qui faisait sa puissance et son pouvoir.
L’abbé Pierre était, me semble-t-il, traversé par un mélange pulsionnel, mû par une forte dose d’agressivité et d’autoritarisme. C’était un électron libre, constamment dans le déni. Il est parvenu, la plupart du temps, à échapper aux contrôles mis en place par