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Libération
Série «Ce qui nous lie et nous délie» (2/4)

Marie-José Mondzain : «Il faut que chacun de nous accueille, envers et contre tout, le migrant et l’enfant»

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En inventant la «philiation», la philosophe projette un monde où chaque relation humaine se construit sur le modèle de l’adoption mutuelle. C’est la meilleure façon, selon elle, de faire de l’accueil et de l’hospitalité des valeurs cardinales.
«Le migrant comme l’enfant sont des «nouveaux venus», et ces arrivées doivent être pensées et accueillies comme des événements ayant toutes les qualités de la surprise», estime la philosophe Marie José Mondzain. (Clairéjo)
par Thibaut Sardier et Photo Clairéjo
publié le 26 décembre 2023 à 8h45

SERIE «Ce qui nous lie et nous délie» (2/4)

L’enfer ? C’est les autres ! L’amour et la liberté en famille ? A l’heure des fêtes, des repas houleux ou bienheureux nous rappellent combien certaines attaches nous nourrissent quand d’autres nous emprisonnent. Distance à réinventer constamment avec ses proches, hospitalité avec l’étranger, partage des écrans en famille, contact avec la nature… Pour négocier cette période au mieux jusqu’au nouvel an, «Libération» explore la complexité de ces liens qui nous émancipent et nous aident à changer le monde.

Il suffit parfois de deux lettres pour changer le monde. Qu’un «f» devienne «ph». Et voici que les sacro-saints liens du sang qui font les familles traditionnelles et les patries conservatrices laissent la place à d’autres types de relations, plus ouvertes mais aussi plus solides. Tel est le pouvoir de la «philiation» (et avec elle, de la «phratrie»), néologisme forgé par la philosophe Marie José Mondzain. En s’appuyant sur le grec philia (l’amitié), le terme vient placer toute relation humaine sous le sceau de l’accueil et de l’hospitalité. «Naître biologiquement ne suffit pas. Encore faut-il être adopté», écrit l’autrice en ouverture de son essai Accueillir. Venu(e) s d’un ventre ou d’un pays, publié en novembre aux (jamais si bien nommées) éditions Les liens qui libèrent. Une façon d’insister sur le fait que la relation entre deux êtres humains doit moins à la «nature» qu’à tout ce qui se construit à force d’attention portée à l’autre, de reconnaissance des différences et d’interdépendance. Aussi le nouveau-né et le migrant se retrouvent-ils pensés ensemble dans cette expérience intellectuelle si réjouissante où l’adoption est le modèle de toute relation humaine : se relier, c’est s’adopter. De quoi ravir toutes les familles qui s’inventent hors des sentiers battus de la filiation.

Comment vous est venue l’idée de mettre sur le même plan la situation d’un migrant et celle d’un enfant ?

Il y a évidemment l’indignation devant l’accueil fait aux mig