Au creux de quatre petits carnets, des poésies tracées à l’encre bleue, en de délicates lettres arrondies. Anna, une étudiante de 25 ans, les extirpe d’un carton sauvé des flammes. Signés de sa grand-tante «Kiki», les poèmes sont intacts, contrairement à ses lettres d’amours, brûlées une à une par la nièce de Kiki, pestant que «ce n’était pas glorieux pour la famille». Pas glorieux qu’elle ait aimé des femmes et l’ait écrit dans les années 30 et 40. La famille savait, certains s’en fichaient, «tant qu’on ne mettait pas de mots dessus», souffle Anna. Les carnets, retrouvés par hasard, ont échappé à l’évanouissement. Ces fragments d’histoire familiale ouvrent un abîme de perplexité : comment s’aimait-on entre femmes, à la campagne, dans l’entre-deux-guerres, pendant la guerre, après ? Ne saura-t-on jamais rien des amours de Kiki ? Quels espaces de liberté, quels interstices entre les silences et l’opprobre ?
«La violence de la destruction appelle la réparation pour prendre soin de nos récits LGBT + et les rendre visibles», glisse Isabelle Sentis, cofondatrice d’un collectif, Queer Code, qui re