Il rêvait de gloire littéraire, pas de mourir en soldat. Mais «des forces sauvages détournent mon âme /de sa course effrénée vers l’idéal /et la contraignent aux luttes acharnées du présent», écrit-il dans un poème composé dans les années 30. Passé à la postérité pour sa participation à la lutte armée contre l’occupant nazi, comme chef militaire des Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) entre août et novembre 1943, Missak Manouchian a souvent exprimé son déchirement entre son désir de s’accomplir comme poète et son sens du devoir, la nécessité de combattre le fascisme qui étendait son ombre sur l’Europe après avoir massacré les siens.
Orphelin à 9 ans
Pour découvrir les autres visages de Manouchian, il faut traverser la place du Panthéon où sa dépouille entrera ce mercredi 21 février et regarder le jeune ouvrier de 20 ans au front large lire sous les lampes de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Le soir après l’usine, le tourneur chez Citroën y passe des heures, en cette fin des années 20. Il fait chaud, c’est gratuit, et il peut s’entraîner à parfaire son français en lisant, notamment Henri Barbusse et Romain Rolland dont le pacifisme marque la gauche, et en recopiant des poèmes, comme le raconte Gérard Streiff, ancien correspondant à Moscou de l’Humanité,