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Libération
L'édito de Dov Alfon

Mort d’Akira Toriyama, un mangaka d’école

Le créateur de manga est mort à l’âge de 68 ans. Avec son œuvre phare «Dragon Ball», celui qui était probablement l’artiste japonais le plus influent des temps modernes a laissé une marque durable sur les imaginaires adolescents du monde entier.
Le Son Goku d'Akira Toriyama, sorte de Candide à la force ­extraordinaire, a pratiquement réinventé le thème du parcours initiatique. (Glénat)
publié le 8 mars 2024 à 21h20

Pratiquement tous les ­produits culturels créés au XXIe siècle pour cibler des adolescents ont été influencés par l’imagerie puissante de Akira Toriyama. L’annonce tardive de la mort du créateur de Dragon Ball, survenue le 1er mars des suites d’un mystérieux hématome sous-dural aigu, a rapidement fait le tour de la planète. Du ministre des Affaires étrangères chinois au club de foot de Milan en passant par les cartels de la drogue au Mexique et le président français, les hommages se sont succédé à un rythme tout aussi endiablé que le parcours de son héros le plus connu, Son Goku. Le garçon à la queue de singe, sorte de Candide à la force ­extraordinaire qui décide d’aider une jeune fille à la recherche de sept boules de cristal légendaires, a pratiquement réinventé le thème du parcours initiatique, très loin des Tintin, ­Astérix ou Superman qui ­régnaient alors sur ­l’imaginaire adolescent.

Les 300 millions d’albums de Dragon Ball vendus depuis dans le monde, dont au moins 30 millions en France, ne sont que la partie la plus connue de la production de Toriyama qui, à sa mort la semaine dernière, à 68 ans, était probablement l’artiste japonais le plus influent des temps modernes. Des séquences d’action des derniers films Marvel aux références tao-bouddhistes des gourous du développement personnel, des chorégraphies guignolesques du MMA aux introspections méditatives du hip-hop, tous ou presque lui doivent un mouvement, un trait, une formule cryptique copiés du manga précurseur qui captiva les jeunes téléspectateurs du Club Dorothée sur TF1 dans les années 90 et bouleversa à jamais le marché de l’édition et des dessins animés. Qui se souvient aujourd’hui du jugement affirmé de Ségolène Royal («ces dessins animés japonais sont exécrables, terribles»), des alertes du Conseil supérieur de ­l’audiovisuel, des sombres prophéties en 1996 sur le grand remplacement de la culture française, le jour où un nouveau tome de Dragon Ball dépassa en tête de ventes les mémoires de ­Danielle ­Mitterrand ? S’il est une chose que les lecteurs de Akira ­Toriyama ont pu retenir, c’est bien l’importance de la persévérance.