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Libération
Disparition

Mort de l’historien Marc Ferro, spécialiste de la Russie et du cinéma

Ancienne figure de la chaîne Arte sur laquelle il avait présenté pendant douze ans «Histoire parallèle», l’historien est mort dans la nuit de mercredi à jeudi à l’âge de 96 ans.
L'historien Marc Ferro, en septembre 2015. (François Guillot/AFP)
publié le 22 avril 2021 à 15h54

Il était un grand spécialiste de l’URSS et de la Russie mais aussi des guerres du XXe siècle, de la colonisation et du cinéma : l’historien Marc Ferro est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi à l’âge de 96 ans, a annoncé sa famille.

Emporté par une complication du Covid-19, «il aura été jusqu’au bout habité par sa passion pour l’Histoire et l’évolution du monde», a souligné sa famille. Historien de réputation internationale et Ancienne figure de la chaîne Arte, il avait présenté pendant douze ans, jusqu’en 2002, Histoire parallèle, émission dans laquelle il mettait l’Histoire à la portée du grand public. L’émission avait fait de lui l’incarnation de l’Histoire sur le petit écran, avec son visage rond et ses lunettes d’écaille. Il était aussi un auteur prolifique : il avait publié l’an dernier son 65e ouvrage, l’Entrée dans la vie, sur le destin de grandes personnalités.

De père italo-grec et de mère ukrainienne, il était né à Paris le 24 décembre 1924. Ses études d’histoire, une passion qu’il cultive depuis son enfance, sont interrompues par la guerre. Engagé dans la Résistance, il rejoint le maquis du Vercors pour échapper au STO et participe à la libération de Lyon. Sa mère, juive, est morte à Auschwitz en 1943. Jeune marié et père de famille, il est affecté à Oran, en Algérie, pour y enseigner, de 1948 à 1956. Il s’engage en faveur de l’indépendance algérienne. En 1960, il regagne Paris, où il enseigne et prépare une thèse de doctorat consacrée à la Révolution russe de 1917. Il démontre comment la prise de pouvoir de Lénine n’est pas seulement le fait d’un habile coup d’Etat mais puise ses racines dans une vague de fond.

Archives cinématographiques à la portée du public

Après, Marc Ferro enseigne à l’Ecole Polytechnique puis dirige le groupe de recherches «Cinéma et Histoire» à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Bien qu’ayant échoué sept fois à l’agrégation, cet élève du grand historien Fernand Braudel poursuit sa carrière universitaire, dans laquelle il cherche à analyser les événements et la société sans porter de jugement, et dirige même à partir des années 1970, la prestigieuse revue des Annales. Directeur de recherche émérite à l’EHESS, il innove à la fin des années 1980 en mettant les archives cinématographiques des grands moments de l’Histoire contemporaine, comme la période 1939-1945 et la guerre froide, à la portée du grand public.

«Dans quel domaine l’historien a-t-il été le plus influent ? En étudiant l’opinion publique russe ? En montrant le rôle de la bureaucratie dans le succès du totalitarisme soviétique ? […] Ou en sortant le cinéma de son statut de «divertissement d’ilotes», par la prise en compte des films comme agents et sources de l’histoire ? En ouvrant la route des travaux sur l’image. De cinéma mais aussi de télévision. C’est là que nos destins se croisent. Il ne s’agissait plus de faire l’histoire du cinéma mais de montrer comment le film (documentaire ou fiction) peut participer à la connaissance du passé, de prouver à quel point il est un révélateur des sociétés, un lieu de mémoire et une écriture de l’histoire», écrivait à son propos l’historienne Isabelle Veyrat-Masson dans Libération en 2008, dans un portrait que nous republions.