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2024 : Allemagne, année zéro ? par Michaël Fœssel

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L’extrême droite vise, sans complexe, les citoyens allemands d’origine étrangère jugés inassimilables avec l’idée de «remigration». Glaçant pour qui connaît le passé.
Lors d'une manifestation contre l'extrémisme de droite et la politique de l'AfD : «Gardez votre environnement propre», à Cologne, le 16 janvier. (Ina Fassbender/AFP)
par Michaël Fœssel, Professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 17 janvier 2024 à 16h50

Cette année 2024 sera de grande intensité électorale : près de quatre milliards d’êtres humains seront appelés aux urnes. Ce qui pourrait sembler être un signe de la bonne santé de la démocratie dans le monde suscite, pourtant, davantage d’inquiétudes que d’espérances. Parmi cette humanité votante, une majorité d’Américains semble prête à signer un nouveau bail à Donald Trump qui ne cache pas son intention d’agir en «dictateur», ne serait-ce que durant le premier jour de son mandat. En Inde, tout indique que le modèle de démocratie autoritaire et ethnique soutenu par Narendra Modi sortira victorieux des élections législatives. Pour ce qui est des élections européennes en France, on sait quel parti vire en tête des sondages.

S’il est un pays qui devrait avoir la mémoire de ce qu’une démocratie réduite aux urnes peut se retourner contre elle-même, c’est bien l’Allemagne. La Constitution de la République fédérale allemande d’après 1945 a été imaginée pour ne pas être un «pacte suicidaire», c’est-à-dire pour ne plus permettre à un parti politique antidémocratique de briguer les suffrages. On a longtemps cru que cette limitation de la souveraineté du peuple au nom des droits de l’individu suffirait à protéger du pire. La formule libérale allemande était simple : Etat de droit et économie de marché devaient être les piliers d’une soc