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Chronique

A quoi bon lire des classiques s’il n’en reste rien ? par Géraldine Mosna-Savoye

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Quand lire coûte, en temps et en attention, peut-on se permettre de prendre le risque d’une expérience comme celle de se relire un classique tel que «le Rouge et le Noir», qui ne se révèle ni réjouissante ni agaçante, mais simplement vide ? s’interroge la journaliste.
La question se pose : quand lire coûte, en temps et en attention, peut-on se permettre de prendre le risque d’une expérience ni réjouissante ni agaçante, mais simplement vide ? (Delmarty /Andia)
par Géraldine Mosna-Savoye, journaliste
publié le 23 septembre 2024 à 12h05

Il y a des moments comme ça (et la rentrée en est un) où on se dit qu’il serait bon de se faire «un petit classique». Comme un reste de syndrome du bon élève, une bonne résolution qui, pour une fois, ne serait pas que physique et sportive, et aussi (et surtout) comme une posture, un pied-de-nez à la rentrée littéraire qui, avec ses 500 parutions, ne donne pas envie d’en lire une seule, mais génère bien plutôt l’effet inverse, j’avais décidé, en cette fin août-début septembre, de faire dans l’inactuel, dans du lourd. Bref, de taper dans la valeur sûre, et donc de me faire un «petit classique».

Et dans cette catégorie, force est de reconnaître que ce sont toujours les mêmes qui reviennent : Proust, Kafka, Joyce, Ernaux… Tous ceux qui, au fur et à mesure de nos années d’existence, ont formé dans nos esprits des atmosphères détachées des œuvres elles-mêmes, des musiques de fond faite de jargons («kafkaïen»), de concepts («venger sa race») ou de moments clés (la madeleine), dont on ne connaît pourtant pas les paroles. Des sortes de tubes qu’on chante en yaourt espérant montrer qu’on en est, que nous aussi, on a la réf.

Décidée, donc, à ne pas seulement avoir la réf, mais à me sentir légitime à l’avoir, je jetai mon dévolu sur un fameux «petit classique»,