Si l’inégalité est la forme et la cause de toute injustice, il y a quelque chose de profondément injuste dans tout acte d’amour. Aimer, c’est toujours saisir, affirmer et cultiver l’inégalité. Désirer, c’est se rendre compte que quelqu’un ou quelque chose dans la panoplie des personnes, des objets, des atmosphères, des événements qui nous entourent, se distingue des autres, non pas tant ou pas seulement parce qu’il est différent, mais parce qu’elle couve une force, une valeur, une importance que nous ne pouvons pas négliger.
Peu importe qui ou quoi nous aimons ou nous désirons, ceci n’est pas et ne peut en aucun cas être égal aux autres. Aimer, c’est cultiver l’inégalité de valeur de ce que nous désirons : nous voulons que l’objet ou la personne aimée soit le plus proche de nous et nous donnons à cette personne ou à cet objet une place et un rôle différents dans notre vie.
Peu importe qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un partenaire, d’un chien, d’un tableau, d’une jupe, d’un livre, d’un bibelot d’enfance, d’une leader politique ou de nous-mêmes : en aimant quelqu’un, nous définissons une hiérarchie dans la réalité qui nie l’idéal selon lequel chaque chose ou chaque personne est égale à n’importe quelle autre. L’amour et le désir ont toujours quelque chose de politiquement scandaleux. C’est pourquoi la loi a toujours et partout, à chaque époque, dans presque toutes les cultures, essayé de dompter cette passion de l’inégalité que nous donne le désir.
L’impossible injonction d’aimer tout le monde
Il suffit de penser au Lévitiqu