Pour la gauche, arrivée en tête dimanche à l’issue du second tour des législatives, l’heure est à la transformation d’une surprise électorale en opportunité de gouverner. Négociations express sur un programme bâti à la va-vite qu’il faut crédibiliser. Pourparlers secrets sur le nom qui pourrait incarner cette alternance. Normal, logique, classique. Mais vu le contexte, c’est-à-dire cette majorité très relative issue des urnes, et, malgré sa défaite, une extrême droite qui peut continuer de lorgner avec gourmandise la prochaine présidentielle, la gauche n’aurait-elle pas intérêt à oser un pari : celui de l’écologie ?
C’est a priori contre-intuitif, vu le peu de place accordée lors de la campagne législative aux enjeux environnementaux, comme d’ailleurs lors des européennes. Pire, alors que l’écologie était plutôt tendance ces dernières années, elle a, ces derniers mois, affronté des vents réactionnaires contraires. Pourtant, les raisons sont nombreuses de penser que la gauche pourrait sortir le pays de l’ornière politique dans laquelle l’a mise Emmanuel Macron en plaçant l’écologie au centre de son logiciel gouvernemental pour les trois années à venir.
Quand l’arithmétique électorale fait peser un risque de blocage, il faut se hisser au-dessus des chiffres et réfléchir aux problèmes du pays. L’écologie est au cœur d’enjeux planétaires majeurs mais aussi de bon nombre des soucis français. Si l’on regarde dans le rétro des différentes crises qui ont secoué la France, celle des gilets jaunes comme la récente colère agricole par exemple – qui ont toutes deux pesé lourd dans l’explosion du vote RN –, les enjeux environnementaux étaient omniprésents. Ou plutôt l’incapacité du pouvoir politique à concilier ces enjeux-là avec les problématiques économiques et surtout sociales. C’est évident avec la question des carburants ou de la transition énergétique en général. Mais c’est le cas sur énormément d’autres aspects de la transition écologique. D’un point de vue plus classiquement économique, l’écologie est un levier majeur pour inventer de nouveaux relais de croissance, créer de nouveaux emplois, réindustrialiser le pays. Elle est aussi au cœur d’enjeux sur la fiscalité. D’un point de vue plus sociétal, dans un pays où le malaise profond qui mine les jeunes mobilise moins les politiques qu’un énième rapport sur le déficit du régime des retraites, la gauche peut s’adresser via l’écologie à la jeunesse et donc envoyer un message à l’ensemble du pays.
Les rapports de force partisans viendront évidemment compliquer la donne. Encore que… Pour la gauche, c’est l’occasion de dépasser les vieux appareils et de bâtir enfin une formation sociale-écolo réformiste. Il y a en tout cas urgence à dépasser la rivalité mortifère actuelle entre La France insoumise et le PS, avec au milieu un parti écolo trop faible pour jouer les arbitres. Par rapport aux concurrents, l’occasion est trop belle. Le RN est à la rue sur ces questions. Les Républicains pas beaucoup plus à l’aise. Le chef de l’Etat ? Il a, en la matière, énormément déçu, à force de se caricaturer en beau parleur petit faiseur. Il aurait là une occasion de se racheter et de trouver lui aussi un cap pour la fin de son quinquennat.