La solitude tue plus que le tabac : slogan habile, phrase choc à l’impact immédiat. On peut déplier, ensuite, et la comparaison tient. En souffrir augmente les risques cardiovasculaires, affaiblit les défenses immunitaires, nous voue à une mort précoce.
En ce siècle plus connecté qu’aucun autre, la solitude est considérée comme une épidémie. Cela, c’est plus étrange. Une épidémie suppose contagion – or comment la solitude se propagerait-elle, elle qui justement implique l’isolement ? Par les corps ? Par les écrans ? Par les silences, peut-être ? «Je n’ai vu personne pendant neuf jours», c’est ce que m’a dit une amie lorsque je lui ai demandé si elle avait passé de bonnes fêtes. Elle n’a rien ajouté, et sa phrase m’a plongée dans l’ambivalence. Comment allait-elle, après ce qui me semblait avoir été une rude épreuve ? J’éprouvais de l’inquiétude. Mais aussi, je dois l’avouer, une forme d’envie. Cette inquiétude et cette envie appartiennent à deux fonctions complémentaires, mais souvent conflictuelles, de mon identité. La personne civile, familiale, affectueuse et affective était effrayée. Horrifiée. L’artiste en moi, elle, était… envieuse. Oui, envieuse. La solitude est à la fois le contexte et la matière de l’écriture. Et la solitude, au sein d’une vie de famille, est une ressource rare. Comme souvent, la friction n’a pas été résolue. La personne que je suis a eu honte de l’écrivaine, cette femme des bois, cette sauvageonne, et nous en sommes restées là.
Seul·e·s face à la vérité du monde
Pourtant cela a