Le 8 mars dernier, la une du quotidien qui publie ces lignes a fait couler beaucoup d’encre. Le choix de Libération ne fut pas heureux : en publiant la «lettre d’un violeur» le jour célébrant la lutte internationale en faveur des droits des femmes, le journal brouillait le message sans véritablement contribuer au débat qu’il prétendait encourager. Au-delà des réactions, de l’incompréhension, de l’indignation et de la colère exprimées par de nombreuses féministes et victimes d’agressions sexuelles, un malaise demeure, bientôt trois semaines après l’affaire. Pourquoi la parole du violeur n’avait-elle pas sa place ici ? Pourquoi les arguments de la rédaction – une réflexion qui vise à «interpeller», l’accord préalable de la victime – n’ont-ils pas fait baisser la fièvre des réseaux et des tribunes ?
Peut-être parce que le viol n’est pas un crime comme un autre. Peut-être aussi, justement, parce qu’il n’a pas toujours été perçu comme crime et qu’il reste encore tant à faire sur le terrain de la justice. Présent dans le code pénal depuis 1791, il a pourtant fallu attendre la fin des années 70, une intense décennie de mobilisations menées par le Mouvement de libération des femmes (MLF), y compris dans les colonnes de ce journal (1), le retentissement de grands procès, comme ceux de Bobigny en 1972 et d’Aix-en-Provence en 1978, pour qu’il soit explicitement défini par la loi en 1980. Dès lors, sa requalification en attentat à la pudeur et par là son renvoi en correctionnelle