Menu
Libération
Chronique

C’est quoi cette façon de voir le mal partout ? par Tania de Montaigne

Article réservé aux abonnés
Chronique «Ecritures»dossier
Face à cette langue vicieuse où le sens des mots disparaît, où il s’agit d’atomiser l’autre, nous sommes comme Alice passée de l’autre côté du miroir : dans un monde où tout fonctionne à l’envers. Et nous avons fort à faire pour que les mots créent des espaces communs.
Montage avec un smartphone de quatre copies d'écran montrant Elon Musk lors de la cérémonie d'investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2025, à Washington DC. (Isabelle Souriment /Hans Lucas. AFP)
publié le 20 mars 2025 à 6h55

Depuis quelque temps, je me fais de plus en plus souvent l’effet d’être la jeune Alice de Lewis Carroll. Passée de l’autre côté du miroir, Alice est projetée dans un monde où tout fonctionne à l’envers, où le réel est déformé, où le narcissisme est roi, où la violence permanente est le seul mode de relation envisageable entre les êtres et, où la vérité n’est plus un fait mais une opinion: «Lorsque j’utilise un mot, dit Humpty Dumpty, le personnage en forme d’œuf du roman, avec mépris, il signifie exactement ce que j’ai décidé qu’il signifierait, ni plus ni moins. – La question est de savoir si vous pouvez donner aux mots autant de significations différentes, dit Alice. – La question est de savoir qui commande, c’est tout», dit Humpty Dumpty.

Dans le monde d’Alice, chacun a ses propres mots, sa propre signification, et ce que l’on dit ne vous engage jamais plus loin que la fin de votre phrase puisque tout change tout le temps. Il suffit de dire que ce qui est n’est pas. Un peu comme si quelqu’un, appelons le Elon Musk ou Steve Bannon ou… faisait un salut nazi puis, quelques heures plus tard, annonçait que ça n’était pas du tout un salut nazi mais, bien plutôt, un bras tendu à l’horizontale destiné à signifier une joie parfaitement naturelle en présence d’amis qu’on n’a pas vus depuis longtemps. Et qui ose