C’est une question de grammaire qu’il nous faut résoudre en moins de deux semaines : sait-on encore parler, penser à la première personne du pluriel ? On l’examine avec perplexité, ce petit mot : «nous». Cela fait si longtemps qu’on ne l’utilise plus, rompus à la glorification permanente du «je», de l’individu, de la figure de proue, qu’elle soit personnalité médiatique ou militante. Ce «nous», qu’en faire ? Comment le faire renaître ? Avec quels «tu» s’accordera-t-il ? Et notre «je», s’y perdra-t-il ? Tandis qu’on s’interroge, des «ils» et des «elles» s’agitent sur nos écrans. Sont-ils repus, ces hommes et ces femmes politiques qu’on regarde s’écharper depuis des mois ? Ont-ils assez vitupéré ? Se sont-ils suffisamment défoulés ? L’excitation de sans cesse frôler l’ignominie est-elle assouvie ?
Mais un spectacle, même exécrable, n’est rien sans ses spectateurs. Et ce show indigne, nous en portons tous et toutes la responsabilité, car si on ne l’a pas mis en scène, on y assiste quand même : un public attentif, captif. Depuis quand sommes-nous là, éberlués de ce triste cirque ? Horrifiés par les outrances de celui-là, nous gaussant de l’ignorance de cet autre, nous qui répétons les pires jeux de mots de l’un ou les acrobaties idéologiques d’une autre. Les répliques les plus ignobles de ces saynètes nous laissent presqu’indifférent·e·