J’en rêve depuis toujours, mais je n’irai pas. Non, non, non, je ne serai pas ministre. Ne comptez pas sur mon ambition de longue haleine, ni sur ma vanité vanillée. Je refuse cette perche qu’on me tend quand avant j’aurais tué pour la saisir. On m’approche et on me sollicite, on me teste et on me tente. Et parfois, on en viendrait presque à me menacer de cette façon doucereuse qu’ont les mafieux d’avancer des propositions impossibles à refuser. Quand je dis «on», je m’entends et vous m’avez compris. Il s’agit des plus hautes instances de l’Etat, et pas seulement de leurs petits télégraphistes, mais chut, je n’en dirai pas plus. Je sais tenir ma langue autant qu’il peut m’arriver d’être vipérin en off et assassin quand je bavasse avec mes obligés sur nos boucles Telegram.
Jusqu’à il y a peu, obtenir un maroquin était l’accomplissement d’une vie et l’aboutissement d’une carrière. C’était le couronnement d’un militantisme ouvragé, la preuve d’une pensée structurée et la récompense d’une adhésion à une philosophie de l’action. On s’y préparait pesamment. On y allait en laboureur au pas lent, en faucheur de blés mûrs. On choisissait son domaine de compétence. Si on était député, on intégrait des commissions parlementaires ad hoc. Si on était maire, on multipliait les colloques dans sa ville, histoire de s’imposer en expert du secteur. On soignait ses interventions médiatiques dans des supports adoubés et on publiait ses réflexions chez un éditeur de bonne volonté. La donne était