Il va s’agir ici de faire l’éloge profus et pendable d’un prix Goncourt aux talents divers, qui mêle le sang des histoires et le sel des idées. Kamel Daoud est un écrivain plus baroque qu’imaginé, qui flambe de métaphores et insiste dans ses effets. C’est également un intellectuel tiré au cordeau et tirant au canon. C’est enfin le symbole de la nécessité du largage des amarres identitaires et de la beauté du canardage des assignations religieuses. Que l’Algérien naturalisé français vienne de recevoir le Goncourt est un événement important qui dépasse le strict cadre littéraire. Cette reconnaissance me fait jubiler en ce qu’elle sacre une liberté française, liberté d’expression et liberté de rébellion, liberté farouche, solitaire et orgueilleuse. Toutes choses utiles, si ce n’est indispensables, que permettent encore ce vieux pays versatile et vermoulu et sa vieille langue très vertébrée aux osselets qui parfois se nécrosent mais que chacun peut encore déboîter à sa guise.
Une méritocratie des transfrontières
Fils d’un gendarme de Mostaganem et d’une mère qui ne comprenait que l’arabe, Daoud s’est approprié avec facilité la perversité d’une grammaire et l’exubérance d’un vocabulaire. Il est le frère en excellence du Russe