Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et au moins jusqu’au début des années 2000, avant que les réseaux sociaux et leurs algorithmes ne commencent à fabriquer une nouvelle conscience collective, dans les parlements européens, l’extrême droite était le tabou démocratique, la limite extérieure de la démocratie, son opposé radical. La droite et la gauche traditionnelles gardaient encore leurs noms historiques en fonction de l’endroit où les représentants politiques siégeaient dans le Parlement né de la Révolution française. Dans cette distribution, l’extrême droite n’était pas un lieu dans l’hémicycle, mais plutôt son dehors constitutif.
Cependant, la topographie parlementaire semble évoluer de telle sorte qu’il n’est plus possible de la décrire de manière bidimensionnelle. Il est désormais nécessaire d’établir une troisième dimension : le fascisme. Non pas comme le bord de l’hémicycle ou l’extérieur de la démocratie, mais comme une variable interne au spectre parlementaire démocratique qui peut affecter – comme une maladie politique, une hypertrophie du pouvoir, un délire identitaire – n’importe quel autre siège. La droite et la gauche ne se mesurent plus à leur distance du centre ou à leur proximité des extrêmes, mais surtout à leur volume dans cette troisième dimension fasciste.