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Libération
Chronique «Ecritures»

Faire société sans profit, est-ce encore possible ? par Lola Lafon

Payer pour payer : des verres d’eau dans les avions aux sites de rencontres, partout un système vautour se déploie, où tout devient un «supplément à ajouter dans le panier».

Après les journaux, les bagages, le verre d’eau, voilà que s’incliner de quelques centimètres sur son fauteuil devient un service payant de compagnies aériennes. (Beata Zawrzel/NurPhoto. AFP)
ParLola Lafon
écrivaine
Publié le 23/10/2025 à 17h02, mis à jour le 25/10/2025 à 15h59

Sur la terre comme au ciel : plus aucune étendue, aucune surface ne semble pouvoir échapper à la quête de profits. Ni la Terre et ses ressources pillées, ni le ciel et les avions qui le parcourent, devenus les laboratoires d’une idéologie dans laquelle le moindre de nos gestes, le plus modeste de nos besoins se monnaye. Souhaitez-vous étendre vos jambes ? C’est en option. Après les journaux, les bagages, les repas, le verre d’eau, le fait d’être assis à côté de la personne avec laquelle on voyage, voilà que s’adosser au fauteuil, s’incliner de quelques centimètres devient un service payant.

Si vous empruntez la compagnie canadienne WestJet en classe économique, vous ne pourrez plus incliner votre siège gratuitement, une pratique déjà en cours depuis 2006 sur Allegiant Air, aux Etats-Unis, qui ne propose que des sièges fixes. En 2010, Ryanair avait évoqué l’idée de rendre l’accès aux toilettes payant et une autre compagnie aérienne low-cost, SoarSaver, avait, elle, imaginé munir les toilettes de chasses d’eau à pièce. Les passagers auraient dû payer à chaque fois qu’ils tiraient la chasse d’eau. Ce projet est pour le moment suspendu mais, au chapitre des innovations, une startup aéronautique, la mal nommée «la Chaise Longue», s’apprête à tester un concept de sièges superposés sur deux niveaux, supprimant ainsi les compartiments à bagages.

Tu vas nous le payer !

Le mot d’ordre de l’économie de marché tient finalement en quelques mots, une phrase qu’on associe d’ordinaire aux gangsters qui peuplent les