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Libération
Chronique «Ecritures»

Faites un vœu

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Certains jettent une pièce dans une fontaine, d’autres marchent, d’autres encore inventent des rêveries en acte pour croire malgré tout à l’avenir.
par Jakuta Alikavazovic, écrivaine
publié le 6 novembre 2021 à 10h20

Chaque année, 1,4 million d’euros seraient récoltés dans la fontaine de Trevi, joli magot issu de la répétition à grande échelle d’un geste au charme usé, évoquant davantage aujourd’hui une forme de pollution que de magie. Qu’à cela ne tienne, nos dirigeants s’y sont prêtés. Vous avez dû la voir, cette photo. Les représentants des grandes puissances mondiales, tournant le dos à la célébrissime fontaine romaine, y jettent une pièce le jour de l’ouverture de la conférence sur le climat en cours à Glasgow. Il a suffi d’une légende équivoque – les deux événements, piécette et COP 26, n’étant semble-t-il pas liés – et voilà que l’image est devenue un mème instantané : nos leaders tournent sur les réseaux sociaux, personnifiant l’impuissance benoîte. Devant un volcan en éruption, devant le septième continent – celui, dérivant, entièrement constitué d’ordures plastiques – et… tiens, les revoici devant la forêt amazonienne en flammes, ou que sais-je encore. Tout est possible : c’est la magie du mème. Imaginez un instant la mèmification comme torture suprême : imaginez qu’à force de vues, à force de circulation, la conscience finisse par migrer vers le mème pour y demeur