Ce serait un peu comme un puzzle, dont on connaîtrait le sujet final, mais pas encore les détails. Des heures durant, on peinerait à assembler le tableau. On aurait bien une petite idée, une intuition, mais non, on s’obligerait à la chasser, ce serait trop, ils n’auraient pas osé. On se refuserait à voir l’image de cauchemar s’assemblant sous nos yeux. On se refuserait à prononcer, à penser même, les mots aveuglants, les mots paralysants. A la place on dirait «illibéralisme», salut romain, on prendrait des précautions, on multiplierait les guillemets, on écrirait par exemple «considéré par certains comme un salut nazi».
Et puis soudain, des lignes entières se débloqueraient, s’assembleraient en continuités évidentes, un pied fourchu, un brasier, des diablotins ricanants, des malheureux précipités dans la fournaise. On ne pourrait plus feindre de ne pas voir.
Par-dessus l’Atlantique, une ligne horizontale rassemblerait la destruction – là-bas au marteau piqueur, ici timide encore – de toutes les politiques publiques contre les discriminations, pour les droits humains, la dignité, la solidarité, le militantisme climatique, la préservation de la biodiversité. Ici comme là-bas, les mêmes milliardaires démolisseurs se dissimuleraient sous le masque de la liberté d’expression, on entreverrait un Bernard Arnault à l’intronisation d’un Trump, on serait tympanisés de «liberté d’expression» et de «free speech» embouchés par ces oligarques des médias. Les sanglots orchestré