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Fin de vie : il y a pire que la mort, par Michaël Fœssel

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Le gouvernement veut séparer en deux projets de loi distincts les soins palliatifs et l’euthanasie active. Ces deux procédures ont en commun d’éviter la souffrance. La société ne veut plus de l’agonie qui précède la mort.
Mourir rapidement et sans avoir le temps de s’en rendre compte serait plutôt devenu la seule chose désirable dans un jeu dont on ne choisit pas la fin. (Marie Julliard/Hans Lucas. AFP)
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 24 avril 2025 à 6h45

«Mort soudaine seule à craindre, et c’est pourquoi les confesseurs demeurent chez les grands.» En écrivant cette phrase dans ses Pensées, Pascal (1623-1662) décrit assez bien le rapport avec la mort qui, encore au XVIIe siècle, caractérisait une société dominée par la religion. La présence de confesseurs au domicile des grands de ce monde était le symptôme d’une angoisse liée au salut : celle de mourir sans avoir eu le temps d’avouer ses fautes. De ce point de vue, une longue souffrance était préférable à une mort «soudaine» et rapide, car elle permettait au mourant de régler ses comptes avec Dieu. Pour Pascal, comme pour tout chrétien, la mort n’est pas une fin absolue, mais un passage vers le Jugement. Mieux vaut avoir le temps de s’y préparer.

La «mort soudaine» n’est pas la plus à craindre

Les projets de loi sur la fin de vie qui viendront bientôt en discussion au Parlement montrent à quel point nous sommes loin, aujourd’hui, de penser que la «mort soudaine» est la plus à craindre. Mourir rapidement et sans avoir le temps de s’en rendre compte serait plutôt devenu la seule chose désirable dans un jeu dont on ne choisit pas la fin. C’est le temps d’avant la mort qui éveille pour nous les pires angoisses parce qu’il peut être fait de souffrances et de dérélictions qui ne sauvent plus de rien. Nous sommes sortis, et c’est une bonne chose, du dolorisme qui rend suspecte une mort qui n’a pas été précédée d’une longue pénitence.

Si on oppose souvent les