J’ai grandi dans une petite ville catholique du nord de l’Espagne où la photo du pape Paul VI était accrochée dans les écoles, juste à côté de celle de Francisco Franco. Ce que le fascisme a uni, que dieu ne le sépare pas. Il y avait aussi une photo de Paul VI sur l’autel portable qui faisait le tour du quartier et arrivait chez moi une fois par mois, avec une prière dans laquelle le pape était décrit comme un «bon berger, sage, doux et humble de cœur», ce qui me faisait penser à lui comme à un animal domestique, un chien berger. Mais un chien qui mord : presque tout ce que je désirais quand j’étais enfant était un péché.
Malgré une éducation catholique stricte, je savais depuis l’âge de 4 ans, avant l’existence de la «théorie du genre» et avant d’avoir lu Monique Wittig, que je n’étais ni «une fille» ni hétérosexuelle. Il y a des enfants qui naissent selon l’ordre de dieu et d’autres qui naissent destinés aux pages noires des encycliques. A l’époque, j’ignorais qu’il y avait des rumeurs selon lesquelles Paul VI était gay et qu’il avait eu une relation secrète avec l’acteur italien Paolo Carlini.
Si je l’avais su, son portrait m’aurait inspiré davantage de dévotion. Au milieu des années 1970, la photo de Franco a été remplacée par celle du roi Juan Carlos Ier, puis peu après, celle de Paul VI par celle de Jean Paul II. Ce que le néolibéralisme a uni, que dieu ne le sépare pas. J’ai ensuite étudié chez les jésuites, ce qui m’a permis de suivre la publication des encyc