Qui disait «surtout, ne jamais tomber malade dans une langue étrangère» ? L’écrivain Hanif Kureishi, à la suite d’une mauvaise chute avec perte de connaissance, s’est vu brutalement privé de l’usage de ses membres. Il ne peut plus bouger. Depuis plusieurs semaines il est hospitalisé à Rome, où il était de passage. Alité, paralysé, il dicte ses sensations (celles qu’il a ; celles qui lui manquent) et des nouvelles de son état. Dans ces missives d’hôpital souvent tapées par son fils Carlo Kureishi, présent à ses côtés, l’écrivain parle sans tabous. De l’angoisse, de la peur, de la nostalgie, des appétits du corps et de ceux de l’esprit. Du contact de sa main inerte sur son visage : «Une horreur, comme si on m’avait posé plusieurs saucisses végétariennes semi-congelées sur la tronche.» Il est drôle. Il est drôle et combatif. Mettre des mots sur une situation, c’est sa vie ; et il est résolu à la vivre. Il raconte le quotidien. Se demande s’il reverra un jour son bureau, qui lui manque. Et comment ça va se passer, son prochain cunnilingus. S’il y en a un – il aimerait bien. Pour le moment, son grand souhait : écrire son propre nom, au stylo, à l’encre violette sur un papier. C’est poignant, c’est drôle, c’est terrible. C’est vivant. C’est la vie, vue par un homme déterminé à ne pas la laisser lui échapper. A en saisir ce qu’il peut, c
La chronique de Jakuta Alikavazovic
Hanif Kureishi, la vie après la chute
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Hanif Kureishi à Londres en novembre 2021. (Kate Green /Getty Images. AFP)
publié le 28 janvier 2023 à 8h54
Enquête Libé
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