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Chronique «Interzone»

Iels sont l’avenir

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Si quelque chose est encore possible, ce sera au-delà de l’Etat-nation, de la boucle production-consommation et du marché. Iels sont les survivants du patriarcat, même si le capitalisme semble en meilleure santé qu’elleux.
Image extraite de la série «Chair tendre». (Jerico, France.tv/Collection Christophel)
publié le 17 février 2023 à 18h36

«La normalité ne reviendra pas», dit l’écrivain harlémite Darryl Pinckney, parce que la réalité n’a jamais été normale en premier lieu. Nous étions noirs et nous sommes maintenant plus noirs que jamais. Nous étions queers et nous sommes maintenant plus queers qu’avant. Et c’est peut-être une bonne nouvelle. La vérité vaut mieux que la publicité. L’avenir n’est pas une page blanche et propre, mais un manuscrit refusé et non publié au fond de la poubelle numérique planétaire. On dit que la matière noire, bien qu’invisible et impossible à mesurer avec des moyens ordinaires, compte pour au moins 85 % de toute la matière de l’univers. Nous sommes comme la matière noire de l’histoire, englobant tout et pourtant inexplorée. Et c’est la matière noire qui refait surface. La poubelle est trop pleine et les vers, vivants, rampent vers le haut.

Partout où je vais, en marchant dans les rues ou à l’intérieur du métavers, je ne vois que des jeunes trans et non-binaires. Dans leurs poitrines, deux lignes rouges dessinées sur leurs torses côte à côte ou des bourgeons nourris par des commandos chimiques. Leurs noms ne sont pas donnés mais choisis. Leurs plaisirs non pas prévisibles mais inventés. Où que me mènent mes errances, en traversant des détroits ou en surfant sur le Net, je ne vois que des corps de migrants fuyant le manque de sens, la pauvreté, la guerre, le patriarcat. Le manque de sens. Je n’ai jamais pratiqué la reproduction sexuelle. Par conséquent, iels ne peuvent pas être