L’une des questions communes aux historiens et aux philosophes est celle de la réalité. Depuis les présocratiques, on se demande ce qui est réellement existant (matière ou esprit ? chose ou idée ?) et ce qui constitue l’essence du réel (le feu ? l’eau ? l’atome ? le logos ?) – bref, l’ontologie. On se demande aussi quelles sont les conditions d’un discours vrai sur le réel – la philosophie de la connaissance, qui tourmente les historiens depuis Hérodote. C’est chez les Grecs, à Athènes singulièrement, que la question d’un espace commun, permettant un débat et une délibération sur le réel, le souhaitable et le possible, a été posée, aboutissant à ces lieux de discussion et d’intelligence qu’étaient l’agora et la Pnyx.
Les raffinements ultérieurs sur la nature du réel n’ont pas fondamentalement entamé le désir de débattre de ce qui est et de ce qui pourrait être. Après les interrogations anxieuses et angoissantes sur les liens entre intériorité, extériorité et perception, Kant a mis à peu près tout le monde d’accord en faisant, dans la Critique de la raison pure, la juste part du subjectif et de l’objectif et en nous rassurant sur la possibilité d’un monde commun, celui du jugement (a posteriori, s’il est empirique, ou synthétique a priori, s’il est mathématique). On peut donc parler, échanger, débattre, conclure – une conviction étroitement solidaire d’une philosophie politique – celle de Kant comme celle des Lumières en général.
Voilà, peu ou prou,