Il est amusant de voir converger le sensationnalisme des médias et les éructations de leurs «intellectuels» attitrés, fixés sur une série de mots-clés : gender, woke, intersectionnalité, décolonial, race… Mais ce sont aujourd’hui des mots vides qu’on agite, les mêmes sur les couvertures des magazines ou tabloïds et dans les chroniques ou tribunes. Luc Ferry dénonce «l’écoféminisme» allié à «l’islamo-gauchisme» «pour former la ”cancel-culture-woke”». Isabelle Barbéris accuse les recherches sur le genre et l’intersectionnalité d’être des «pseudo-sciences», mais serait bien en peine de donner des arguments scientifiques en ce sens. Les mêmes dénoncent la «chape de plomb» et l’atteinte aux libertés que constituerait l’existence même de recherches d’universitaires qui, de leur côté, n’ont jamais empêché leurs collègues de mener les leurs.
Alors pourquoi une certaine génération d’intellectuels, que l’on a beaucoup entendue ces derniers temps, se sent-elle menacée ? Si on écarte la thèse des pathologies mentales engendrées par la pandémie – que révèlent, entre autres, les bagarres autrement plus graves entre bandes de jeunes –, on peut analyser cela en termes de stratégies de pouvoir académique. Nous assistons à la radicalisation d’attitudes que les spécialistes du domaine du genre ont connue de longue date : la volonté politique de déconsidérer, et si possible de criminaliser, des recherches qui sont largement développées et légitime