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Chronique «Interzone»

Jamais seul dans son lit

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Pour Freud, on coucherait chaque nuit avec nos parents. Jung y ajoute nos ancêtres, notre espèce. Ferenczi voit le lit comme un espace hallucinatoire. Quant à la culture féministe et queer, elle en fait un espace politique de lutte et d’émancipation.
publié le 11 février 2022 à 22h08

Nous ne nous couchons jamais seuls. Même dans un lit qui semble vide, il y a déjà trop de monde. Freud disait que c’est avec nos parents que nous couchons, même sans le savoir, chaque nuit, que ce soit sur un divan ou dans un lit. C’est sur cette hypothèse déroutante qu’il a construit toute sa philosophie et sa théorie thérapeutique. Freud pensait que c’étaient les enfants qui voulaient aller dans le lit des parents, et il a négligé le fait que, parfois, ce sont les parents qui font des descentes dans le lit de leurs enfants. Lorsque j’étais enfant, certains dimanches matin, j’allais dans le lit de mes parents. Je me souviens maintenant d’une photo en noir et blanc d’un tableau de Fra Angelico qui présidait le mur de leur chambre. Comment ma mère a-t-elle pu penser en 1975 à décorer une chambre à coucher avec une photo en noir et blanc d’un tableau du XVe siècle ? N’a-t-elle rien trouvé de plus joyeux, pop ou relaxant ? Le tableau dépeint la scène où un ange, tel un infirmier avec des ailes provenant des services gynécologiques volants du royaume de Dieu, annonce à une jeune Marie qu’elle attend un enfant. Placée au-dessus du lit, cette image est comme une advertance prophylactique destiné aux femmes qui dit : celle qui baise accouche – parce que le père n’est pas sur l’image.

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Regardant le visage de Marie, nous ne pouvons déduire aucun enthousiasme. Si je ne connais