Moi aussi.
Deux mots simples qui ont initié l’un des plus grands mouvements de libération de ce début de siècle. Ce «Moi aussi» qui nous raccorde à d’autres «Moi aussi». Ce «Moi aussi» qui nous rappelle que le 5 avril 1971, 343 femmes ont déclaré dans le Nouvel Observateur avoir avorté dans la clandestinité, elles aussi, au péril de leur vie.
Quatre ans plus tard, la loi Veil dépénalisant l’avortement était adoptée.
Grâce au combat de toutes ces femmes, j’ai eu la «chance» d’avorter légalement. Tout était censé se passer dans les meilleures conditions possibles. C’était il y a plus de trente ans, un jour de novembre 1992. Une amie m’avait accompagnée, je crois, nous avions pris le train tôt en gare de Saint-Etienne. J’avais refusé que mon amoureux de l’époque soit présent, pour moi c’était une affaire de femmes, exclusivement. Manque de pot, le médecin qui m’a reçue à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, ce jour-là, était un homme. Originaire du Maghreb, comme moi.
J’ai tout de suite su, à la façon dont il m’a regardée, que j’allais en baver. Dans son regard, j’ai entraperçu du dégoût. Pour lui j’étais une aberration. Fallait que ça tombe sur moi. Une petite voix dans ma tête m’a suggéré de fuir. Je suis restée, pas le choix. Avorter n’est pas une lubie, c’est une nécessité vitale.
Billet
J’avais fait le choix d’une anesthésie locorégionale. Ce fut ma plus grande erreur. J’aurais préféré dormir, ne rien garder de ce qui allait suivre, ne rien garder de son regard, de s