Il est rare que des personnages surgissent du néant et saturent aussitôt les écrans. C’est pourtant ce qui vient d’arriver à Abou Mohammed al-Joulani, le nouveau maître de Damas. D’ordinaire, il faut franchir les différents stades de la reconnaissance faciale médiatique. En démocratie numérique, il faut passer les niveaux de validation comme dans les jeux vidéo. D’abord montrer le bout de son nez, puis varier les profils avant d’imposer le meilleur. Le tout pour finir par déplorer cette prolifération de soi, tout en contrôlant la duplication de son être pixélisé. On est à la fois chez Warhol, non pour le quart d’heure de célébrité qui pour Joulani risque de durer, mais pour le ready-made qui implique de s’accepter produit manufacturé et réplique à l’identique. Et on est aussi chez Orson Welles, comme dans le film la Dame de Shanghai, quand Rita Hayworth perd sa blondeur dans les reflets de sa dispersion et se cogne dans le miroir de sa disparition.
Si je convoque ces références hollywoodiennes, c’est pour montrer combien l’apparition de Joulani rompt avec la norme islamiste. Jusqu’à présent, cette dernière tenait au secret et à l’anonymat. Elle mettait une cagoule à sa visibilité pour affoler la fantasmagorie et laisser croi