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Chronique «Médiatiques»

Journalisme : la bulle et ses antipodes, par Daniel Schneidermann

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D’un côté, l’affaire Ariane Lavrilleux où le journalisme d’investigation est pour le moins malmené, De l’autre, la «bulle» des journalistes qui s’accordent sur la publication, ou pas, des saillies «bankables» des politiques. Entre les deux ? Un monde.
Rassemblement de soutien à la journaliste Ariane Lavrilleux, alors en garde à vue, le 20 septembre 2023 à Marseille. (Isabelle Wesselingh/AFP)
publié le 1er octobre 2023 à 12h45

«Marianne a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple ! Elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre !» On est en 2016, et c’est une envolée politique parmi tant d’autres de Manuel Valls. L’alors Premier ministre, en campagne pour la réélection de François Hollande, improvise en meeting une de ces formules «laïques» dont il a le secret. Après la réunion, les journalistes présents se regroupent et se concertent, pour soupeser la formule. Est-elle assez importante pour figurer dans les reportages ? Peut-elle même mériter des titres ? «Une collègue du Figaro se faufile entre les tables et se fait confirmer la teneur exacte de la phrase», raconte aujourd’hui Rachid Laïreche, journaliste à Libération, dans le livre Il n’y a que moi que ça choque ? (Les Arènes) – peinture acide, par un repenti, de la «bulle» des journalistes politiques, décrite comme une supra-rédaction coupée du monde, hors-sol, hystérisée par l’épisode le plus insignifiant.

Le buzz ou «la course de petits chevaux»

Ces briefings informels de fin de meeting, entre journalistes politiques, sont un des rites de la «bulle» les plus impressionnants pour le profane égaré (j’en fus). Guère de débats, en général. Tout le groupe tombe facilement d’accord pour mettre en valeur la vacherie adressée au camarade de parti, au concurrent, à l’allié, le dernier épisode de ce que le regretté Michel Roc