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Libération
Chronique «Médiatiques»

La balle perdue et l’autobus 95, par Daniel Schneidermann

Dans le scénario bien rodé d’une soirée spéciale législatives sur BFM TV, où une poignée de politiques font face à des Français castés pour leur profil sociopsychologique, surgissent parfois de réels moments d’échanges.

Marche blanche à Marseille le 21 octobre 2023, en hommage à Socayna, une étudiante de 24 ans tuée chez elle par une balle perdue lors d'un règlement de comptes entre trafiquants de drogue. (Nicolas Tucat/AFP)
Publié le 21/06/2024 à 19h22

Le journaliste Benjamin Duhamel quitte sa place de meneur de jeu et vient s’asseoir à côté de Layla. Chacun comprend que le moment va être exceptionnel. Layla est la mère de Socayna, étudiante de 24 ans tuée d’une balle perdue de règlement de comptes à la kalachnikov en septembre 2023 à Marseille, alors qu’elle travaillait dans sa chambre. Cinq mois plus tard, un mineur de 16 ans était mis en examen, pour assassinat.

«C’était une vivante pleine de joie, sanglote Layla. Elle lisait beaucoup beaucoup de livres. Elle s’occupait de mes papiers. Elle était tout pour nous.» Un matin, la famille entend des tirs dans la rue. Dans sa chambre, la jeune étudiante gît «dans une mare de sang. Il n’y a plus de dents. Ils ont démonté la tête. Le médecin m’a dit, “Désolé Madame, on ne pouvait rien faire.” Qu’est-ce qu’elle a fait, la pauvre ? J’ai rien compris de ce qui s’est passé. C’est un mineur de 15 ans qui a tué ma fille. J’ai jamais su qu’on vivait dans des cartons.» La balle a transpercé le mur de l’immeuble.

«Peut-être Aurore Bergé sur ce sujet…» risque Benjamin Duhamel. Car ils sont trois politiques, représentant «les trois blocs», face au récit de Layla, dans cette soirée spéciale de BFM, construite sur le mode traditionnel : une poignée de politiques face à d