A l’occasion du prix Nobel d’Annie Ernaux, j’ai entrepris de relire la Femme gelée. Et, comme j’étais en train de lire, je n’ai pas su que d’aucuns s’indignaient. Je l’ai appris en décalé (je crois que je suis vouée à vivre en décalé). Ça m’a bien étonnée. Il y a quelques années, quand un écrivain qui n’a jamais caché son enthousiasme pour les instigateurs de l’épuration ethnique dans les Balkans avait eu ce même prix, je me souviens avoir surtout entendu parler de son goût pour la cueillette des champignons. Que l’on me pardonne cet aparté caustique – les entreprises génocidaires ont tendance à me rester en travers de la gorge. Bref. Je tiens depuis longtemps des carnets de lecture et je sais que j’ai lu la Femme gelée autour de l’âge où Annie E., dans le livre, raconte s’être mariée. Je me souviens bien de cette première lecture : j’étais en travers d’un gros fauteuil tendu de velours vert, jambes jetées sur l’accoudoir, une position de gamine (que je n’étais plus) mais ma préférée, depuis toujours, pour lire.
Je sais aussi que ce livre, je l’ai lu avec ambivalence. Je lui en voulais un peu, sans doute, de ne pas me séduire. De ne pas chercher à me séduire. Quant à ce qu’il racontait, ce récit de 1981, alors déjà vieux d’une vingtaine d’années – l’enfermement progressif dans un