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Chronique «Philosophiques»

La France d’avant : le fond et la forme

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Beaucoup de ceux qui expriment leur nostalgie n’ont pas vécu les années 70. Que regrettent-ils alors ?
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 2 avril 2021 à 9h03

1965 : Mémoires du vieux quartier de Belleville, 1972 : Joseph, un gamin de Paris, 1968 : Une semaine sur la Nationale 7, 1975 : Le vieux Paris qui disparaît, 1976 : Vivre dans le XXe arrondissement… Au vu du succès de la collection Vintage créée par l’INA (plusieurs centaines de milliers de vues pour certains de ces reportages), la greffe inattendue entre l’ORTF et YouTube a bien fonctionné.

Confinements et couvre-feux à répétition ne sont certainement pas pour rien dans cet intérêt, mais ils n’expliquent pas tout. Ces documentaires montrent la France d’avant, certes, mais celle d’avant le monde d’avant. Les cafés y étaient ouverts, mais ils étaient aussi enfumés comme on n’a plus idée. On se promenait dans les rues sans masque, mais aussi sans téléphone portable à la main. Si le Covid-19 a favorisé la tendance à idéaliser le passé, il est intervenu à un moment où la question de savoir si ce n’était pas mieux avant se posait déjà avec insistance.

La plupart de ces films sont consacrés à Paris et ils ont ceci de remarquable que l’époque de leur première diffusion coïncide exactement avec la naissance d’une nostalgie qui ne nous a plus quittés depuis. Les reportages qui, à l’occasion de leur deuxième vie, rencontrent le plus de succès évoquent une ville en train de se défaire, et qui le sait. Entre 1965 et 1975, les Parisiens assistent impuissants à la fermeture des Halles, à l’édification de la tour Montparnasse, à la disparition des derniers ateliers du faubourg Saint-