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Chronique

La guerre contre les enfants, par Jakuta Alikavazovic

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Pour la première fois dans l’histoire, les témoignages d’enfants victimes saturent les ondes en direct. Une enfance vécue en temps de guerre est, à l’endroit de la blessure, une enfance éternelle. Et donc une guerre éternelle, à jamais présente en soi.
Des enfants palestiniens à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 février 2024. (Mohammed Talatene/Picture alliance. DPA)
par Jakuta Alikavazovic, écrivaine
publié le 1er mars 2024 à 19h47

Notre monde est-il en guerre contre les enfants ? C’est bien connu, les conflits prennent régulièrement les enfants pour prétexte, avant de les prendre pour cible. Réifiés deux fois, ils sont d’abord transformés en objets de rhétorique martiale, au nom desquels on s’engage dans les hostilités, avant d’être mués en petits corps sans domicile, sans avenir, sans vie. Ces éléments de langage va-t-en-guerre ont traversé le temps pour parvenir jusqu’à nous. Ils sont l’un des symptômes de ce qui a lieu sous le langage contemporain, celui qui prétend faire de la vie d’un enfant «la chose la plus précieuse au monde». En réalité, que se passe-t-il sous ce cliché ? Comme tous les clichés, il sonne à la fois juste et creux. Quelle vérité plus profonde s’y dissimule-t-elle ? Notre monde, que fait-il réellement à ses enfants ? Il leur fait la guerre, voilà ce qu’il leur fait.

Des enfants devenus gravats, devenus poussière

A certains endroits, à certains moments, cela est plus visible qu’ailleurs. En ce moment, c’est au Proche-Orient. Des enfants israéliens abattus, enlevés à leurs parents, pris en otages, séquestrés dans des souterrains. Auxquels on répond par