Je suis né dans une maison où, tous les deux jours, on parlait de la guerre. Cette maison pourrait s’appeler l’Espagne, l’Europe ou peut-être même le monde. Le monde humain. Mon grand-père me racontait la bataille de l’Ebre (1) tout en me laissant toucher les os de ses jambes qui, impactés par les éclats d’obus, ressemblaient à un livre d’horreur en braille pour mes doigts d’enfant. Les bombes à fragmentation comme celles qui ont pénétré dans ses jambes ont été inventées vers le XIVe siècle par la dynastie Ming. En Chine, ces bombes étaient fabriquées en condensant, autour d’un noyau de poudre à canon, de l’huile, du sel d’ammonium, du jus d’oignon de printemps, des fragments de fer et des morceaux de porcelaine brisée pour former une boule de fer fondu qui était tirée avec du feu et qui, en explosant, venait percer le corps de l’ennemi. Ensuite, l’huile et l’oignon ont été retirés de la boule de feu. Mais les bombes ont continué a laissé des morceaux de porcelaine cassés un peu partout. Niet Voyne ! (2)
Dans un village au nord de l’Ebre, dans l’une des rares maisons restées debout après les bombardements de la légion Condor du Troisième Reich, ma grand-mère me préparait chaque après-midi une exponentielle tranche de pain beurré : «J’espère, ma fille (car à l’