Menu
Libération
Ré/jouissances

«La Joconde» à la rue

Article réservé aux abonnés
Quand l’intemporelle Mona Lisa fuit le musée du Louvre déserté pour cause de flip sanitaire et part à la découverte de l’incertain art urbain...
( )
publié le 23 février 2021 à 6h35

Elle jette un œil, ne voit aucun gardien venir et sort enfin du cadre. Malgré son arthrose, la Joconde se rétablit avec souplesse et s’esquive sur la pointe de ses ballerines empoussiérées. Elle glisse un timide au revoir à ses voisins, à ces attablés des Noces de Cana peints par Véronèse qui poursuivent leur interminable banquet quand elle s’est enfin décidée à prendre la poudre d’escampette.

Au Louvre, elle désespérait de l’absence des visages, de l’évaporation des visiteurs, de leur convoitise perdue depuis que le Covid-19 les tient en respect. Avant, elle avait beau opposer un demi-sourire contrit à leur dévoration, ces promeneurs culturels étaient sa fenêtre sur le monde, son ouverture sur la nature des choses comme elles changent.

La Joconde n’est pas la première des œuvres d’art à se carapater ainsi. Toujours aussi allante, la Liberté guidant le peuple de Delacroix a montré la voie, drapant sa poitrine découverte dans le pavillon tricolore afin de braver la vague de froid qui sévissait alors. Frileuse, la Joconde a attendu le dégel pour abandonner sa niche douillette, tempérée à 19 degrés, avec une hygrométrie à 55 %. Tout en lissant la soie de sa robe en velours côtelé, elle enfile une doudoune oubliée et débarque au grand jour près de la Pyramide, éblouie comme un pharaon au sortir de son sarcophage.

Les fuyards du Louvre fulminent de concert contre les frilosités du gouvernement et l’impuissance de Roselyne Bachelot. Ils font valoir que leu