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Chronique «Philosophiques»

La nouvelle haine des femmes

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Si les hashtags #MeToo et #Balancetonporc ont connu le succès qu’on sait, c’est parce qu’ils ont révélé la brutalisation contemporaine de la relation au corps des femmes.
par Hélène L’Heuillet, Psychanalyste et professeure de philosophie à l’université Paris-Sorbonne
publié le 17 décembre 2021 à 1h13

Dans la vie de nombreuses femmes, il est un moment où les promesses de l’enfance laissent place à la perplexité : «Ces obstacles que je rencontre se dressent-ils devant moi parce que je suis une femme ?» Les difficultés sont de tous ordres, professionnel et social mais aussi amoureux et sexuel. Elles ont en commun de concerner la place qu’une femme peut ou non occuper. Dans les sociétés où le féminisme a déjà une histoire, on aurait pu croire la question réglée. Ce n’est pourtant pas le cas. Qu’il s’agisse de prendre la parole dans une réunion ou d’engager le long voyage d’une migration, comme Khady Demba dans Trois Femmes puissantes de Marie NDiaye, les femmes ont à payer une sorte de taxe supplémentaire, parfois prélevée à même le corps.

S’agit-il de résidus du passé, de restes du patriarcat, ou bien assistons-nous à la montée en puissance d’une nouvelle forme de haine ? Je crois que les deux phénomènes s’entrelacent et se confortent l’un l’autre, mais qu’il est quand même utile de les distinguer, ne serait-ce que pour affiner la résistance.

Si l’on définit le patriarcat comme un système dans lequel les femmes sont considérées comme des sujets en état de minorité, la persistance du patriarcat est patente à travers l’assignation des femmes à des places inférieures, ne serait-ce que de manière subreptice. Cela peut aller des inégalités salariales