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Chronique «Ecritures»

La théorie du gremlin, par Lola Lafon

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Quarante ans après la sortie du film nous tenons le rôle de la peluche devenue monstre. Et nous sommes seuls responsables de notre métamorphose, une débâcle de l’âme. Nous avons tous perdu quelque chose, cet automne, cette chose qu’on pourrait appeler notre humanité.
Quarante ans après la sortie de «Gremlins», force est de reconnaître que ce film gore n’est pas qu’un divertissement. (Warner Bros. Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images)
par Lola Lafon, écrivaine
publié le 22 mars 2024 à 18h33

C’est un petit animal à poils doux, aux yeux candides et aux grandes oreilles, qui chantonne d’une voix flûtée ; une peluche adorable qu’on a envie de serrer dans ses bras : un mogwai. Une créature qui, dans la mythologie chinoise, est douée de pouvoirs surnaturels, mais qui peut, sous certaines conditions, se muer en gremlin, son double malfaisant. Tous deux, mogwai comme gremlin, font partie de notre pop culture, grâce au film réalisé par Joe Dante en 1984 : Gremlins. On s’en souvient : un père à la recherche d’un cadeau de Noël original pour son fils déniche, dans une boutique de Chinatown, un petit être irrésistible : un mogwai. Mais l’adopter exige qu’on respecte à la lettre ces trois règles : ne pas l’exposer à la lumière ; ne pas le mouiller ni lui faire boire de l’eau ; et surtout, ne jamais le nourrir après minuit. Bien sûr, comme dans tout conte initiatique, le jeune héros de Gremlins négligera d’obéir à ces recommandations et verra son gentil mogwai donner naissance à une horde de furieux et incontrôlables gremlins.

La peluche devient monstre

Quarante ans après sa sortie, force est de reconnaître que ce film gore n’est pas qu’un divertissement ; aujourd’hui, il pourrait même servir à élaborer une théorie du gremlin, dans laquelle on tiendrait le rôle de la peluche devenue monstre. A un détail près : aucun adolescent négligent ne nous a nourris après minuit : nous sommes seuls responsables de notre métamorphose en cours. Celle-ci n’est pas spectaculairement hollywoodienne, c’est