Nous pouvons penser que nous avons eu raison de faire ce que nous avons fait ou que c’était la plus grosse erreur de notre vie. Nous pouvons en être fiers ou en avoir honte. Peu importe de savoir s’il s’agit d’actions, de gestes, d’œuvres, peu importe qu’il s’agisse de choses faites ou choses dites. Nous avons aimé, nous avons désiré, nous avons pleuré et nous nous sommes réjouis, nous avons construit et nous avons détruit.
Et pourtant, notre vie passée ne meurt jamais dans l’instant où elle a eu lieu. Il y a un brin qui reste, une vie qui survit au moment où elle s’est formée, comme le tonnerre que nous attendons lorsque l’éclair a illuminé le ciel. Toutes les actions passées semblent condamner la vie à ne pas pouvoir mourir, à nous hanter sous la forme d’un écho qui veut faire bouger nos muscles et notre cœur au moins une seconde fois.
Le statut de cette vie surnuméraire et supplémentaire, cette résurrection involontaire des actes passés, est difficile à décrire ou à définir. On aurait tort de l’envisager sous la forme d’un simple souvenir. Ce ne sont pas seulement les images du passé qui nous submergent. Il y a d’abord une foule d’émotions trop présentes : fierté, gêne, repentir, douceur, nostalgie, chagrin renouvelé, joie encore plus intense. Nous avons dit ou fait ce que nous ne voulions pas dire ou faire : nous sommes là, maintenant, submergés par un tourbillon d’affection qui déforme tout le présent. Ce qui est en jeu, c’est moins une vague influence du passé sur le pré