Dans quelques semaines, les enfants seront en vacances. Les «grandes vacances» font résonner dans l’imaginaire collectif un mélange de nostalgie et d’inquiétude. Comment occuper les enfants pendant tout ce temps ? Les questions se pressent. Doivent-ils travailler, se demandent les parents anxieux à l’idée – largement saugrenue – du risque d’oubli des connaissances engrangées en une année scolaire ? Comment «mettre à profit» cette oisiveté ? Le spectre atroce de la perte de temps conduit à redouter, avant même que les intéressés ne se soient plaints, l’ennui ou la tristesse. Et si c’était notre propre peur du vide qui s’exprimait là ? La perspective de cette période sans école témoignerait alors de notre rapport angoissé à l’enfance, aussi bien à l’énigme qu’elle représente qu’à l’angoisse dont nous n’hésitons pas à la charger.
L’enfance est en principe le temps de la formation du sentiment de soi. C’est durant ce temps, plus ou moins long selon les sociétés mais d’une durée minimale incompressible, que se forgent les grandes questions de l’existence et le désir qui accroche à la vie. La satisfaction des besoins élémentaires, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffit pas à construire un sujet. Transmettre le désir de vivre constitue la part la plus difficile et la moins codifiable de l’éducation. Cela exige peu et beaucoup et à la fois : garder son oreille ouverte