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Chronique «Philosophiques» du Libé des animaux

Le chat et la tique

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A chacun son bestiaire. Pour Derrida, tout commence par le chat, tandis que Deleuze opte pour la tique. Mais tous deux insistent sur l’humilité qui préside au rapport entre l’homme et l’animal.
Et si le chat qui me regarde dans la plus simple des conditions me jugeait ou se moquait de moi ? (iStockphoto. Getty Images)
par Michaël Fœssel, Professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 10 novembre 2022 à 5h17

Tous les articles du Libé des animaux, en kiosque les 10 et 11 novembre, sont à lire ici.

Philosopher sur les animaux, c’est d’abord choisir ses exemples. Pour Derrida, tout commence par un chat qui surprend un être humain sortant nu de sa salle de bains (1). La nudité importe car elle place, pour une fois, l’homme et l’animal dans une relation d’égalité. Le chat est là, comme toujours vulnérable et presque sans défense. A la faveur de sa nudité, l’homme n’est pas en meilleure posture : comme Adam avant le péché originel, il est aussi désemparé que cet animal qui semble lui adresser une question qui traverse la barrière des espèces : «Qui es-tu ?».

Pour Derrida, tout se joue ici, avant que l’homme ne reçoive du Créateur le pouvoir exorbitant de nommer les animaux et, ainsi, de les soumettre à sa volonté. Dans le deuxième récit de la Genèse, Adam dépasse très vite le trouble de se retrouver face à des bêtes : Dieu lui décerne le statut de maître en second de la Terre, ce qui implique de réduire les animaux au statut d’instruments destinés à assurer son bien-être. Dans un clin d’œil de Dieu à Sandrine Rousseau, il faut noter que c’est l’homme mâle (Eve n’existe pas encore) qui reçoit le privilège de se nourrir à satiété de la chair animale.

Nu devant un chat, explique Derri