Le 2 janvier 1792, Robespierre déclare devant la Société des amis de la Constitution : «La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis.»
Au début de l’année 1792, les Girondins au pouvoir militent en faveur d’une guerre contre l’Autriche et la Prusse menée au nom de la liberté universelle. Cette guerre sera déclarée en avril sans que personne n’imagine qu’elle durera plus de vingt ans et se soldera par une défaite française. Robespierre s’y oppose d’abord parce qu’il soupçonne les Girondins d’avoir des objectifs moins avouables que la lutte contre le despotisme. Il faut rétablir les finances du pays minées par la dévaluation des assignats et substituer un sursaut patriotique aux revendications sociales des sans-culottes. Quoi de mieux, pour cela, qu’une bonne guerre ? Mais Robespierre s’attaque aussi au principe de la guerre révolutionnaire. Dès lors qu’elle est brandie par des «missionnaires armés», la liberté perd tout attrait, même pour des peuples réduits en esclavage. Le patriotisme que les Girondins espèrent susciter chez les Français naîtra aussi chez les Autrichiens et les Allemands. «L’Incorruptible» pressent que le mot «liberté» ne suffira pas à venir